Côte d’Ivoire : Nécessité d’une émergence de la bioéthique.

Article : Côte d’Ivoire : Nécessité d’une émergence de la bioéthique.
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26 octobre 2013

Côte d’Ivoire : Nécessité d’une émergence de la bioéthique.

Scène medicale par Petro Sancto Bartoli, via Wikimedia Commons
Scène medicale par Petro Sancto Bartoli, via Wikimedia Commons     

       Réfléchir afin de codifier l’attitude de l’homme relative aux questions liées à la vie, à la santé, à la maladie et à la mort semble accompagner l’humanité dans son évolution. C’est dans une telle dynamique que, depuis les années 70, la recherche et le développement techno-scientifique dans le domaine biomédical ont entraîné l’émergence, dans les pays du Nord, de la bioéthique. La bioéthique étant alors considérée comme une réflexion éthique sur l’attitude de l’homme contemporain dans les sciences de la vie et de la santé.

       Pendant qu’en occident, les questions dites de bioéthique donnent naissance à des débats sociétaux et à des dispositions pratiques, en Afrique subsaharienne, particulièrement en Côte-d’Ivoire, l’absence de tels débats donne l’impression qu’il n’y a nullement besoin de cette discipline. Serait-ce qu’on n’y trouve aucun fait (ou comportement) dans le domaine de la santé qui nécessiterait une réflexion éthique des acteurs du système de la santé ou des observateurs de la société ? Avons-nous donc atteint la perfection de l’agir moral dans le domaine de la santé en Côte-d’Ivoire ?

Radiothérapie chez une femme par Rhoda Baer, via wikipedia.fr bis
Radiothérapie chez une femme par Rhoda Baer, via wikipedia.fr

       Loin de là! Certes, le développement techno-scientifique en Côte-d’Ivoire n’ayant pas la même ampleur que dans les pays occidentaux, il va de soi que certaines questions de bioéthique ne s’y posent pas. Il en va autrement lorsque nous portons notre attention vers les pratiques cliniques quotidiennes et les questions éthiques qu’elles devraient soulever : grève des médecins sans service minimum, pratique illégale de l’avortement dans certaines structures publiques, transfusion de sang dit « sécurisé », abandon de patient grabataire dans les hôpitaux par leurs parents…

       Il existe certes des dispositions déontologiques et juridiques relatives à certaines de ces situations. Mais, du fait de leur ancienneté et de l’évolution de la société Ivoirienne, se pencher de nouveau sur ces dispositions se trouve être nécessaire. Comme le rappelle la philosophe Anne Fagot-Largeault, « les problèmes de bioéthique (…) ne sauraient être considérés comme réglés une fois pour toutes. Chaque génération a la tâche de les reprendre, patiemment, inlassablement  ». Ne pas actualiser la réflexion éthique médicale contemporaine en Côte d’Ivoire, en l’inscrivant dans le contexte plus large de la pensée bioéthique, serait abandonné les acteurs du système de santé ivoirien à un subjectivisme arbitraire.

Chu de Cocody à Abidjan (Côte d'Ivoire) par Zenman , via wikipedia.fr
Chu de Cocody à Abidjan (Côte d’Ivoire) par Zenman , via wikipedia.fr

       Pour preuve, l’avis partagé des médecins quant au respect du caractère absolu du secret médical dans le cadre de l’infection au VIH. En effet, interroger les prestataires de soins sur leur attitude dans la situation clinique particulière, mais non exceptionnelle du patient séropositif qui refuse de faire part de son statut sérologique à son partenaire, l’exposant éventuellement au VIH, révèle que certains médecins soutiennent le caractère absolu du secret médical ; d’autres envisageraient enfreindre cette norme déontologique dans la mesure où le partenaire est connu d’eux. A ce propos, le code de déontologie des médecins, datant de Juillet 1962, bien avant la découverte du VIH, soutient que le secret professionnel s’impose à tout médecin, sauf dérogation de la loi ; lesquels dérogations ne prenant pas en compte l’infection au VIH apparu dans les années 80. Or, depuis 2001, l’ONUSIDA a proposé une ligne directrice, revue et corrigée  en 2004, qui autorise le médecin, en suivant une procédure bien définie, à informer le partenaire exposé sans le consentement du client index, si ce dernier refuse de le faire. La prise de position des penseurs du système de santé ivoirien vis-à-vis d’un tel texte se fait attendre. Pour des raisons très compréhensibles, l’attention des acteurs du système de santé étant portée sur les aspects techniques et socio-économiques de la lutte contre la pandémie du SIDA, très peu de réflexion éthique ont été menée afin de se prononcer sur de pareilles situations cliniques contemporaines qui échappent aux textes anciens. Il faut toutefois noter les efforts consentis pour que se développe la prévention positive du VIH/SIDA

Carte de la Côte d'Ivoire par Idarvol, via wikipedia.fr cc
Carte de la Côte d’Ivoire par Idarvol, via wikipedia.fr cc

       Grand est le besoin de développer en Côte-d’Ivoire une réflexion bioéthique qui, sans négliger les positions et avis éthiques prononcés sous d’autres cieux, puisse permettre de donner des orientations pratiques déterminées par la réalité locale, contemporaine. Comme le rappelle l’anthropologue Laurent Vidal, « la double prise en compte de l’universel et du contextuel, non seulement n’est pas contradictoire, mais indispensable ». Notons toutefois que des efforts – encore insuffisants – sont faits pour promouvoir la bioéthique en Côte-d’Ivoire. Dans ce sens, il fût créé en  2009, une Chaire UNESCO de Bioéthique à l’Université de Bouaké (Sud-ouest de la Côte-d’Ivoire), tenue par le Pr Poamé Lazare. Vivement que le Conseil Consultatif Ivoirien de bioéthique se fasse entendre et sorte les ébauches de réflexion bioéthique dans le contexte ivoirien du cadre académique.

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